Ma première affectation embarquée !
A l'issue du cours de BEAT, j'ai choisi cette affectation pour deux raisons : tout d'abord parce qu'il s'agissait du bâtiment Amiral de l'Escadre de l'Atlantique, mais aussi parce qu'il était basé à Brest, c'est à dire avec une potentielle et non négligeable ouverture sur le monde...

EE Dupérré, photo 'Cols Bleus' (année ?)

EE Dupérré, vue aérienne (probablement prise par l'hélicoptère embarqué)
Photo de Thierry Le Run, reproduite avec l'aimable autorisation d'Hervé Toudic (voir site ci-dessous) (*)

L'EE Dupérré "En duel avec les éléments".
Aquarelle de M.Marchadour, artiste peintre, reproduite sur une carte de voeux disponible à bord à l'époque.
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L'Escorteur d'Escadre,c'était un bâtiment de combat taillé pour un domaine de lutte en particulier : soit anti-aérien (AA, type Du Chayla), soit
anti sous marin (ASM), comme le Dupérré. L'EE Dupérré (D633) était équipé de 8 torpilles L5 lancées par un berceau, de deux sonars
(un DUBV23 de coque et un DUBV43 remorqué pour la détection longue distance), d'un leurre anti-torpille Nixie. Mais c'était aussi, et surtout, le seul
escorteur de sa classe équipé d'une plateforme pouvant mettre en oeuvre un redoutable hélicoptére anti-sous marins WG13 Lynx, terriblement efficace.
Il n'était néanmoins pas moins bien armé pour la lutte anti-surface grâce à ses 4 missiles Mer-Mer 38 (38 pour 38 km de portée), son artillerie principale
de 100mm, et ses leurres anti-missiles SYLEX.
Son équipement radar était constitué d'un DRBV22 (veille air lointaine), d'un DRBV51A (veille combinée air et surface moyenne portée), et de deux DECCA 1226
(navigation et appontage). Un détecteur de radar ARBR16 complétait sa protection. Enfin, il était équipé du dernier cri des systèmes de combat informatique
de l'époque avec un système (US) SENIT 2, composé de deux calculateurs UNIVAC 1212 et de 5 consoles de visualisation.
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Voici un de ses 'sister ship', l'EE (ASM) Maillé Brézé, lors de la mission North83 |
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Le Dupérré, vu vers l'arrière, où l'on aperçoit sa seconde cheminée, le radar d'appontage DECCA 1226 (la poutre horizontale au centre,en haut du hangar),
et ses lances-leurres anti-missiles SYLEX Tribord (les tubes blancs à gauche)
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L'hélicoptère Lynx est en approche finale juste dérrière les missiles anti-surface Mer-Mer 38... |
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Le poste 3, situé tout à l'avant du bateau juste sur le sonar de coque (très sympa la nuit !...), était un poste équipage
pour les marins du grade de matelots à quartiers-maîtres de 2ème et 1ère classe. Ce poste regroupait quasi exclusivement
les spécialités de détecteurs, détecteurs ASM et quelques électroniciens d'armes.
Ah oui... A bord, il n'était pas du tout interdit de fumer à l'époque (la loi Evin n'arrivera que bien plus tard en 1991),
bien que l'usage en vigueur permettait d'épargner tout de même les postes des volutes de fumées...
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En haut à droite, le seul endroit qui me soit personnel et qui tient sur 1,90x0.50m : ma couchette (également dénomée dans notre
jargon ma banette ou ma caille). Sur 3 niveaux, relevables au besoin (avec le crochet qui pend), et un simple rideau pour
s'isoler (de la vue, mais pas des bruits ni des odeurs, et encore moins des mouvements de roulis/tangage...).
Juste en face et ouvert, mon caisson réglementaire de 25x25x50cm, où se trouve toute ma vie...
Les caissons marqués 'Masques' contenait en fait nos masques à gaz (et quelques fois des chaussures...).
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Il y avait toujours du monde au poste 3 ! |
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Dos à la mer... |

Photo de Thierry Le Run, reproduite avec l'aimable autorisation d'Hervé Toudic (voir site ci-dessous)(*)
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Le carré Commandant, partie salon.
A bord des frégates de cette taille (et tout comme aujourd'hui), il y avait plusieurs 'carrés':
- Le carré Commandant (ou Amiral lorsque celui-ci était à bord), utilisé par le 'pacha', et partagé avec son second et les officiers supérieurs (officiers à partir du grade de capitaine de corvette) présents à bord.
Sur de plus grandes unités (porte avions), il peut y avoir en plus un carré des officiers supérieurs (captaine de corvette à capitaine de frégate).
- le carré des officiers subalternes (du grade d'aspirants à lieutenant de vaisseau), voir plus bas,
- le carré des officiers mariniers supérieurs (OMS), du grade de premier maître à major. Appellé aussi 'la soute à béquilles' (clin d'oeil à nos anciens ne pouvant plus être considérés comme des 'lapins de trois semaines' !),
- le carré des officiers mariniers subalternes (OM), du grade de second-maître à maître,
- et enfin la cafétéria, qui n'est pas un carré administrativement parlant, regroupant l'équipage (matelots et quartiers maîtres).
Perso, au cours de ma carrière sur mes différentes affectations embarquées, j'ai connu la cafétéria puis tous ces carrés !
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Photo de Thierry Le Run, reproduite avec l'aimable autorisation d'Hervé Toudic (voir site ci-dessous)(*)
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Le même carré Commandant, partie salle à manger... |

Photo de Thierry Le Run, reproduite avec l'aimable autorisation d'Hervé Toudic (voir site ci-dessous)(*)
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Et le carré des officiers subalternes. Comme quartier-maître, je me souviens n'y avoir mis les pieds qu'une fois ou deux... |
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La passerelle, avec au premier plan le fauteuil du 'pacha' et à ses côtés, celui de l'Amiral (le Dupérré était le bâtiment Amiral de l'Escadre de l'Atlantique !) |
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Notre bureau au local 'Calcul', situé dans les fonds du bâtiment et où se trouvait également nos cerveaux électroniques, nos deux calculateurs SENIT 2... |
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... ici présents !
Programmés en octal avec une mémoire en tores de ferrite de 32K mots de 30 bits, ils avaient la puissance de calcul d'une calculatrice de poche vaguement scientifique d'aujourd'hui.
Bref, une technologie des années 50-60, mais avec une optimisation incroyable qui les rendaient extrêment bien adaptés à leurs fonctions principales qui étaient de gérer la situation tactique environnante, la gestion des armes, l'auto-défense contre les missiles, les liaisons de données automatiques, etc...
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Voici 2 des 5 consoles de visualisation du SENIT 2 (Système d'Exploitation Navale des Informations Tactiques, dont la tablette manque d'ailleurs...), disposées au Central Opération qui lui était situé généralement juste derrière la passerelle. |

Photo de Thierry Le Run, reproduite avec l'aimable autorisation d'Hervé Toudic (voir site ci-dessous)(*)
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Avec cette vue plus générale, on peut voir une bonne moitié du Central Opération.
Au premier plan à gauche, le fauteuil du 'pacha' qui lui permettait de suivre l'évolution de la situation tactique. Notez qu'il n'a aucun moyen particulier, ne serait-ce que pour voir ce qui se passe ou donner ses ordres !
Au fond à gauche, le module ARMES. A droite, la console OQO (Officier de Quart Opération) et l'Adjoint INFO (chargé d'établir la situation tactique).
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Photo de Thierry Le Run, reproduite avec l'aimable autorisation d'Hervé Toudic (voir site ci-dessous)(*)
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Vue de l'autre bord.
Le PC ASM (dédié à la lutte anti-sous marine) est sur la gauche, avec les consoles SONAR du DUBV23 et 43.
La table tactique ASM, au centre, permettait gâce à un minutieux (et laborieux) 'plot' toutes les minutes avec des crayons de couleur des symboles et routes sur du papier calque, permettant de matérialiser et d'historiser la situation tactique ASM.
J'en ai passé des heures courbé sur cette table, de jour comme de nuit, et bien sûr toujours en dehors de nos heures de quart normales !
Au fond à droite, le module Surface avec une autre table traçante, une console SENIT (non visible sur la photo car dérrière le fauteuil du 'pacha') dédiée à l'établissement de la situation surface, et la console IP7 chargée d'établir les CPA. Le CPA (Closing Point of Approach), est le calcul des routes de collision avec les navires environnants, dans le cadre de la sécurité nautique.
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Photo de Thierry Le Run, reproduite avec l'aimable autorisation d'Hervé Toudic (voir site ci-dessous)(*)
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Et enfin le module ARMES à gauche, avec une console radar IPD7 permettant la désignation d'objectifs, et la conduite de tir multi-senseurs DRBC32 (couplé à la tourelle d'artillerie de 100 mm) juste à sa droite, permettant d'acquérir (on dit aussi 'accrocher') puis de poursuivre l'objectif à l'aide de son radar de conduite de tir, et/ou de ses systèmes optiques infra-rouge ou caméra.
Ca n'a l'air de rien, mais c'est assez compliqué (même aujourd'hui !) de trouver et de poursuivre un objectif pas plus grand qu'une voiture (en terme de surface radar) à plusieurs dizaines de kilomètres de distance, et encore moins de lui tirer dessus...
Au centre, la console de veille AIR avec les commandes des calculateurs SENIT (le SMP). L'autre sonsole à droite était la console SURF/GE , dédiée suivant le cas soit à l'élaboration de la situation surface, soit à la guerre électronique (GE). Cette partie GE était située au fond à droite, avec un détecteur de radar ARBR16, radio, et les leurres anti-missiles SYLEX.
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Le local radar, avec ici le bureau de l'adjudant de compagnie (avec un calendrier, le tableau des tenues,...), et sa casquette en livrée kaki (comme les uniformes de service courant des officiers mariniers de l'époque) |
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On aperçoit dans la mature l'antenne du radar DRBV22 (veille air lointaine) |
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Notre hélicoptère WG13 Lynx, avec sa livrée bleue et blanche |
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Voici un moment spécial dans la vie d'un marin, le passage de la Ligne (comprendre l'équateur), qui induit un certain nombre de rites et de traditions pour marquer le coup... |
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Les 10 commandements que doit suivre impérativement le néophyte, c'est à dire le marin (quel que soit son grade...) qui n'a jamais passé la Ligne |
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La feuille de service de ce jour, un peu spéciale elle aussi ! |
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Et enfin le meilleur pour la fin... ... Mon invitation personnelle du Président de la République pour la 'garden party' de l'Elysée à l'issue du traditionnel défilé du 14 juillet 1984 à Paris, dont la Marine était représentée cette année-là, en partie, par une délégation des marins du Dupérré. |
.jpg) Cliquer pour agrandir ! |
Voici le défilé en question. J'ai retrouvé la photo officielle (cartonnée, au format A3 !) du bloc de l'Escadre de l'Atlantique au passage devant la tribune présidentielle, et qui nous avait été offerte à l'occasion... Le fusil de dotation dans la Marine était à cette époque un fusil modèle MAS 49-56. Hum ? Si,si, j'y suis... Cherchez Charlie ! ;-) |